mardi 1 décembre 2009

Enfant Marie

Je découvre une étonnante Marie petite fille dans Jésus contre Jésus de Gérard Mordillat et Jérôme Prieur.

"Dans l'évangile de Matthieu, la « virginité » de Marie repose sur la citation d'un verset du livre d'Isaïe : « Voici que la vierge concevra et enfantera un fils » (Is 7,14). Mais c'est une traduction tendancieuse. En hébreu, le terme original qu'utilise la Bible est 'almah, c'est-à-dire la jeune fille. Les auteurs de la Septante, la version grecque de la Bible hébraïque, ont traduit, 'almah par parthenos, « la vierge », obligeant le texte à aller bien au-delà de ce qu'il disait. Il faut noter que le seul autre usage du mot parthenos est réservé par la Septante à Dina, la fille de Jacob qui avait été violée (Gn 34,3)… Comme l'a souligné Géza Vermes dans Jésus le juif, la notion même de « virginité » n'était évidemment comparable en rien à la nôtre. Ainsi, la Tosephta qui reflète l'enseignement du rabbin Eliézer ben Hyrcanus à la fin du 1er siècle précisait : « J'appelle vierge celle qui n'a jamais vu le sang, même si elle est mariée et a eu des enfants jusqu'à ce qu'elle ait vu sa première manifestation ». La question de la virginité serait donc précisément liée à l'absence de règles. Or, l'évangile de Luc établit un parallèle très net entre la grossesse de Marie, qui est vierge (qui n'a peut-être pas encore eu de règles), et sa cousine Elisabeth, enceinte de Jean le Baptiste « dans sa vieillesse » (donc, qui n'a plus ses règles).

Entre les données sociologiques de la Palestine au 1er siècle et la traduction grecque de la Bible, il y aurait une sorte d'accord : c'est avant même d'avoir eu ses règles que Marie, encore petite fille, se serait trouvée enceinte de Jésus. Une grossesse exceptionnelle qui tiendrait du prodige."

"Dans Jérusalem au temps de Jésus, Joachim Jeremias indiquait que les fillettes pouvaient être « fiancées » dès l'âge de cinq ans et que, nubiles entre douze et treize ans, leur père avait tout pouvoir sur elles, notamment de les marier ou de les vendre comme esclaves : « On acquiert une femme par l'argent, contrat et rapports sexuels », peut-on lire dans le Talmud de Babylone. […] Une fois les « fiançailles » célébrées, l'épouse, surtout si elle n'était pas encore pubère, demeurait un an encore sous le toit paternel avant de passer sous l'autorité de son mari. Ainsi Matthieu peut-il présenter sans contradiction Marie comme « la fiancée » de Joseph et parler de lui comme de « son époux ». Pendant cette période intermédiaire, toute relation sexuelle était interdite. Or, toujours selon Matthieu, avant que Joseph et Marie aient mené vie commune, Marie « se trouva enceinte du fait de l'Esprit-Saint » (Mt 1,18). Marie est une enfant enceinte."

Gérard Mordillat – Jérôme Prieur, Jésus contre Jésus, éd. Points Seuil, 1999 Pages 24-25 et 23